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PLISSEMENTS
Plissement, pour moi,
c’est trace de vie ; lent, très lent travail de la nature ; passage du temps
dans la matière, plissements géologiques, ornières dans la boue, nervures dans
le bois, ondulations dans l’eau, rides d’un visage ou d’une main, sillon dans
les champs, étoffe glissant sur un corps …
C’est toujours la trace subtile, mouvante et silencieuse d’une action.
C’est en cela que les plis
me reflètent, dans ce travail lent et silencieux me permettant de me glisser
dans le vécu préalable du tissu. En lui, je perçois la plante ou l’animal qui
l’a donné, le pays qui l’a porté ; quand il est fait main, je suis réellement
dans mes doigts et dans mes yeux, là où d’autres femmes ont posé les leurs.
Quand il a été utilisé en drap ou en vêtement, j’effleure les corps en le
caressant.
Le tissu est, pour moi, matériau rare, intime, sensuel, rempli
d’émotions. Sa couleur, naturelle ou brune ou noire, me suffit souvent, tant
est riche sa matière.
Et mes plis ? J’aime l’idée de ne pas m’étaler, de ne pas me répandre
mais, au contraire, de me condenser et de me cacher aussi ; de faire peu (de
surface) avec beaucoup (de tissu) ; de faire compliqué avec du simple ;
d’enfouir des secrets au fond de mes plis, d’y enterrer mes doutes, mes rages,
mes tortures, mes plaisirs …
J’aime l’idée qu’il court de la vie entre mes plis, comme il court de
l’eau entre les plis du terrain, comme il court de la sève entre les plis du
bois, comme il court du sang dans le pli du coude.